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A-T-ON « PERDU » UNE SOUCHE DE GRIPPE?

JEAN-FRANÇOIS CLICHE

QUÉBEC — Avis de recherche : souche d’influenza B au nom à consonance japonaise, âgée d’une quarantaine d’années, présente dans les vaccins antigrippaux. A été aperçue pour la dernière fois avec certitude au printemps 2020. On craint le pire…

La souche en question s’appelle B/ Yamagata et appartient, comme la première partie de son nom l’indique, à un type de grippe nommé influenza B. Il y a deux principales sortes d’influenza qui infectent les humains, soit la A et la B (voir le graphique ci-contre pour plus de détails), et les vaccins antigrippaux contiennent deux « lignées » de chaque sorte. B/Yamagata en fait partie depuis plusieurs années. Mais voilà plus de deux ans que personne ne l’a détectée.

La dernière observation certaine dont on dispose remonte à mars 2020 — et encore, seulement une petite poignée de cas avaient été observés cette année-là. Dans la base de données GISAID, qui conserve les informations génétiques des virus de la grippe séquencés à travers le monde, on comptait habituellement autour de 5000 à 6000 détections de B/Yamagata par année. Mais au cours des trois premiers mois de 2020, il n’y en a eu que 119. Et depuis, c’est le zéro absolu, lit-on dans le dernier rapport de surveillance de la santé publique européenne à ce sujet [http://bitly.ws/zErU].

Une autre banque de données appelée FluNet a quant à elle noté quelques « cas possibles » par la suite, mais il se pourrait qu’il s’agisse simplement de la version affaiblie de B/Yamagata qu’il y a dans certains vaccins. Et ils sont rarissimes : 43 détections en 2021 et huit en 2022, alors que cette banque en enregistrait généralement plus de 30 000 par année auparavant.

Alors la question qui taraude épidémiologistes et virologues depuis des mois : est-ce que cette souche a été complètement éradiquée? Par quoi? Et si elle existe toujours, où est-elle?

« C’est sûr que la pandémie, le port du masque et les consignes sanitaires ont eu un gros impact sur la grippe, et pas juste sur la COVID, dit le chercheur en immunologie de l’Université Laval Denis Leclerc. Mais je trouve qu’il est encore un peu tôt pour dire que cette souche-là est complètement disparue. Ça ne me surprendrait pas si on la revoyait ressurgir plus tard, alors ça peut être d’intérêt de la garder encore dans le vaccin. »

Pour l’instant, personne ne veut déclarer B/Yamagata éradiquée. L’infectiologie n’a pas de période bien définie après laquelle l’absence de détection devient «officiellement» une extinction, et plusieurs sources d’incertitudes persistent.

« Là où il y a de la surveillance sanitaire, il n’y a pas eu de détection depuis 2020, mais il y a aussi beaucoup de pays qui ne séquencent pas les souches de grippe, rappelle Nathalie Grandvaux, virologue à l’Université de Montréal. Alors on ne peut pas encore dire que cette lignée-là est complètement disparue. »

Sans compter que même dans les pays qui séquencent, la grippe est souvent bénigne pour une grande partie de la population, et les gens qui ne vont pas à l’hôpital ne font pas séquencer leurs virus — ce qui ajoute un autre angle mort. Et la COVID a aussi diverti une part importante des ressources de séquençage pendant des mois, note M. Leclerc, nous faisant peutêtre manquer des virus qui étaient présents. «Présentement, ajoute Mme Grandvaux, l’influenza B commence à sortir aux États-Unis et en France. On est comme dans une deuxième vague de grippe làbas, alors ça va être intéressant de voir si B/Yamagata ressort. Si on passait une troisième année sans détection, ça donnerait plus d’assurance pour parler de disparition. »

L’UNE, MAIS PAS L’AUTRE…

Mais même au-delà de la question de savoir si cette lignée a survécu ou non, une autre énigme reste entière : l’autre grande lignée d’influenza B, nommée B/Victoria, ne montre étrangement pas le moindre signe d’une extinction prochaine. Si B/Victoria a elle aussi été clairement affectée par les confinements de 2020, elle a vite repris du poil de la bête par la suite.

Présentement, cette B/Victoria circule très peu en Amérique du Nord d’après la banque de données GISAID [http://bitly.ws/zF4T], mais elle représentait en janvier la majorité des cas de grippe séquencés en Afrique et en Amérique du Sud, et elle était sur une forte montée en Europe, à 19 % des cas de grippe à la mi-janvier.

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2023-02-04T08:00:00.0000000Z

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