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«Ma mère fait ça pour aider » une autre famille La gestation pour autrui vue par les enfants d’une mère porte

JUSTINE MERCIER Le Droit

GATINEAU — Il n’y a jamais eu d’ambiguïté dans la tête des quatre

enfants de la Gatinoise Marie-Hélène Marleau: les deux enfants qu’elle a portés après eux n’allaient pas faire partie de leur fratrie. Leur maman aidait tout simplement des amis à réaliser leur rêve d’avoir une famille. Une telle « compréhension du projet parental» est d’ailleurs bien présente pour les enfants de mères porteuses ayant été interrogés dans le cadre d’une recherche dirigée par une professeure de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

Les enfants de Marie-Hélène Marleau étaient âgés de 3 à 8 ans quand elle leur a annoncé qu’elle avait un bébé dans son ventre pour aider une de ses amies d’enfance et son conjoint à fonder une famille.

« Avant qu’on fasse le premier essai, qui a marché du premier coup, j’avais amené l’idée dans la tête des enfants, raconte Mme Marleau. Je leur en avais parlé en disant qu’il y a des mamans qui n’ont pas d’utérus, que leur petite maison pour faire grandir les bébés est brisée […] et que j’aimerais aider mon amie. […] J’avais juste lancé l’idée comme ça et ça avait été bien reçu par les enfants. »

Sur le coup, les enfants ont surtout posé des questions pour savoir comment les choses allaient se passer pour que le bébé se retrouve dans le ventre de leur maman. « Ça a été une soirée de discussions et d’échanges, et après ça, on a attendu d’avoir un test positif pour leur annoncer », relate la mère monoparentale. Quand la première grossesse de gestation pour autrui (GPA) a été confirmée, Marie-Hélène Marleau leur a expliqué que le bébé avait le bagage génétique de ses parents et qu’elle faisait seulement « prêter le four ». La première fois, c’est une petite fille qui a vu le jour, en 2017. La seconde fois, en 2019, c’est un petit garçon qui est né de ce projet de GPA.

Les quatre enfants ont trouvé ça « cool » de suivre l’évolution des grossesses et de voir la « bédaine » de leur mère prendre de l’ampleur au fil des mois. Chaque fois, ils ont toujours parlé du bébé des amis de leur mère. Jamais d’une petite soeur ou d’un petit frère à venir.

RECHERCHE

La réalité des enfants de mères porteuses a été très peu étudiée. Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la procréation pour autrui et les liens familiaux, chercheuse au Partenariat Familles en mouvance et professeure au département de travail social de l’UQO, Isabel Côté a voulu en savoir davantage sur leurs expériences. Avec la candidate à la maîtrise en travail social Flavy Barrette, elle a donc entrepris une recherche sur la question. Au total, 67 jeunes Canadiens âgés de 7 à 24 ans ont été interrogés par rapport au projet de GPA dans lequel leur mère a agi comme mère porteuse.

« L’élément principal qui ressort, c’est effectivement la compréhension du projet parental, donc ‘ma mère fait ça pour aider des gens’ », expose Mme Côté.

La professeure a fait savoir que quelques enfants ont trouvé des situations plus difficiles, par exemple quand leur mère était plus fatiguée à cause de la grossesse, ce qui exigeait qu’ils réalisent davantage de tâches.

Dans le cas de Marie-Hélène Marleau, ses quatre enfants ont surtout perçu une plus grande fatigue lors de sa deuxième grossesse pour son couple d’amis. Mais encore là, ils comprenaient très bien pourquoi elle s’était lancée dans ce projet.

Isabel Côté note aussi que dans le cas de grossesses de GPA qui ont eu lieu pendant la pandémie, les enfants de mères porteuses ont parfois perçu de petits changements. « Avec les risques d’attraper le virus, ça pouvait faire en sorte que maman était plus prudente dans ses manifestations d’affection », indique la professeure.

QUEL LIEN?

Certains enfants interrogés pour la recherche ont indiqué qu’ils considéraient avoir un certain lien avec l’enfant porté par leur mère pour une autre famille, un peu comme s’ils étaient des cousins éloignés. « Mais pour la plupart, il s’agissait vraiment de deux familles très distinctes », souligne Mme Côté.

Tout en étant conscients du lien qui unit leur mère aux deux autres bébés qu’elle a portés, les enfants de Marie-Hélène Marleau n’ont de leur côté jamais parlé d’un lien familial avec eux. Ils ont parfois des nouvelles de ces enfants et les voient de temps à autre, « mais ils n’ont clairement pas le statut de cousins, même éloignés », dit Mme Marleau. Après chaque accouchement de GPA, les enfants de la Gatinoise ont pu rencontrer les bébés, pour voir « l’aboutissement de ce projet-là ».

Dans le cadre du projet de recherche mené par Isabel Côté et Flavy Barrette, certains enfants de mères porteuses ont relaté avoir trouvé difficile de ne pas voir le bébé après sa naissance, de ne pas avoir l’occasion de lui dire « bye bye ». Dans d’autres cas, les enfants ont pu garder un certain contact avec les enfants que leur mère a portés pour une autre famille.

Les résultats détaillés de cette recherche seront présentés lors d’une conférence du Partenariat Familles en mouvance, le 14 février, à Montréal et en mode virtuel.

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2023-02-04T08:00:00.0000000Z

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