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L’urgence à la croisée des chemins

ANTHONY OUELLET anthony.ouellet@latribune.qc.ca La Tribune,

SHERBROOKE — « C’est assez calme pour un lundi soir », lance d’emblée l’urgentologue MarieMaud Couture qui, avec ses collègues de l’urgence de l’Hôpital Fleurimont, a accepté de recevoir deux médias régionaux, dont lors du quart de soir du 30 janvier.

En utilisant le terme « calme », la médecin fait référence aux 21 patients dans la salle d’attente et aux 21 autres sur des civières : un bien petit total pour un lundi soir, selon elle et plusieurs autres membres du personnel interrogés cette soirée-là.

Malgré ce relatif apaisement du rythme habituellement effréné de l’urgence, la petite salle d’attente déborde, tant et si bien que quelques patients — on les compte sur les doigts d’une main — doivent attendre dans le corridor, sur des chaises prévues à cet effet. Dans la salle principale, une dame indique à qui veut bien l’entendre qu’elle attend depuis « trop longtemps ».

La nouvelle urgence de l’Hôpital Fleurimont est attendue, rappelle la coordonnatrice des services d’urgence par intérim du CIUSSS de l’Estrie-CHUS, Hélène Loiselle. En attendant, tous les couloirs et les salles de l’unité sont d’une étroitesse qui détonne avec l’immensité du bâtiment de l’hôpital.

OÙ SONT LES CIVIÈRES?

La nouvelle urgence, dont l’ouverture est prévue en 2024, permettra peut-être de repartir à neuf et d’effacer certains épisodes moins reluisants essuyés par l’actuelle unité dans les derniers mois. L’exemple du patient couché au sol en raison d’un manque de civière, début janvier, ou celui des appels répétés du CIUSSS qui demandait d’éviter les urgences tellement le taux d’occupation était élevé sont particulièrement évocateurs.

« On a à peu près la moitié des patients qui sont déjà hospitalisés, donc qui attendent une chambre à l’étage [...]. C’est notre problème actuellement, je dirais depuis quelque mois », lâche la Dre Couture, aussi cheffe du département de médecine d’urgence au CIUSSS de l’Estrie-CHUS.

À quelques mètres de là, dans un couloir adjacent à la salle où le personnel travaille, un homme est alité : l’une de ses jambes ne semble tout bonnement plus fonctionner. « J’ai été pris en charge très rapidement, trente minutes, gros maximum », nous dit l’homme, sans oublier d’encenser au passage le travail des employés de l’urgence. C’est en poussant la conversation qu’on apprend finalement qu’il est à cet endroit depuis plus de 24 h, attendant un transfert vers l’Hôtel-Dieu.

AMBULANCES

Marie-Maud Couture note que les soirées favorisent ce type de situation. En effet, « entre 14 h et 18 h », plusieurs patients arrivent à l’urgence, en plus d’un nombre d’ambulances plus élevé. Certains de ces patients seront ensuite transférés sur des civières. Les patients déjà hospitalisés aux étages étant moins susceptibles d’obtenir un congé tard le soir ou durant la nuit, les nouveaux usagers en civière sont bloqués à l’urgence. Et la roue tourne.

« On joue du coude pour se garder des civières disponibles, c’est pour ça qu’on demande aux gens de consulter à l’urgence pour les problèmes plus graves. [...] Ici, on joue beaucoup du coude, mais des fois on n’a juste pas de place », concède la Dre Couture.

« Parfois, ajoute-t-elle, on aimerait voir des gens, les soulager, mais on n’a physiquement pas de place pour les voir. Est-ce que ç’a un impact sur la sécurité? Ici, pas encore. On est assez épargné en Estrie, mais ça demeure une crainte. »

Selon Hélène Loiselle, lors de journées très achalandées, de 140 à 150 personnes peuvent se présenter à l’urgence de l’Hôpital Fleurimont. Lors du passage de La Tribune lundi, une centaine de personnes avaient passé au triage aux alentours de 20 h.

« On a revu nos processus en début de journée pour accorder plus de lits à l’urgence en début de journée pour éviter ce goulot d’étranglement [décrit par la Dre Couture]. [...] On commence à essayer de libérer des civières plus rapidement ou de retourner les patients qui n’ont pas besoin de civière sur un fauteuil roulant ou dans la salle d’attente », avance Mme Loiselle.

Toute cette bonne volonté reste néanmoins à la merci des transports ambulanciers. Entre 16 h et minuit dans un lundi moyen, une vingtaine d’ambulances peuvent se rendre à l’urgence du CHUS — Fleurimont, estime Marie-Maud Couture.

« Pour la région de Sherbrooke, tout ce qui concerne les problèmes cardiaques ou neurologiques, ça s’en vient ici, à Fleurimont. Les plus gros traumas aussi », précise Hélène Loiselle, qui ajoute que certaines personnes réquisitionnent certains transports en ambulance pour des situations jugées non urgentes.

« Certaines personnes ont cette pensée qu’on peut être traité plus rapidement en arrivant en ambulance, mais c’est vraiment l’infirmière au triage qui détermine la priorité. Si quelqu’un arrive et qu’elle détermine que c’est une P4 [NDLR sur une échelle de 0 à 5, où 0 est la plus urgente], on peut retourner la personne dans la salle d’attente, comme les autres », avertit la coordonnatrice des services d’urgence par intérim.

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