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LE LEGS D’UNE CRÉATRICE D’EXCEPTION

FRANÇOIS HOUDE Le Nouvelliste

TROIS-RIVIÈRES — Ce n’est pas la première entrevue qu’on a le plaisir de faire avec Marie Brassard, bien qu’elle soit d’un naturel discret. L’entretien a ceci de particulier que la femme de théâtre est aujourd’hui auréolée du prix Siminovitch, probablement la plus prestigieuse récompense dans le monde du théâtre canadien.

Tout éblouissant que puisse être l’honneur, la Trifluvienne d’origine ne donne nulle impression de s’en enorgueillir. Elle le savoure plutôt modestement.

« Ç’a été une très grande joie que de recevoir ce prix, c’est certain, avoue-t-elle néanmoins. Surtout que c’est alloué par des pairs, ce qui lui donne encore plus de valeur à mes yeux. C’est une très grande tape dans le dos. »

Il vient à tout le moins attester de la pertinence de sa démarche singulière, farouchement indépendante. « Ça octroie une certaine crédibilité à mon travail, bien sûr, et ça confirme que je dois continuer à le faire à ma façon, selon ma vision très personnelle des choses. Vous savez, c’est un métier dans lequel on se sent souvent très fragile et ce n’est pas tous les jours qu’on nous dit qu’on nous apprécie. »

Elle qui a affronté pendant toute sa carrière les constantes et profondes remises en question, elle accepte l’honneur comme un sceau d’approbation officiel. « J’ai toujours cherché à créer des formes étonnantes et je sais maintenant que ma proposition a été entendue. »

« Ça ne va pas s’arrêter, prévientelle comme si on pouvait en douter. Quand on a cultivé la curiosité toute sa vie, ça ne change pas. J’ai encore beaucoup de projets. » plongée dans la dernière phase de sa mise en scène d’un opéra :

L’écoute du perdu de Keiko Devaux. Une première pour elle, l’opéra. Il n’y a donc pas d’âge pour les sauts dans le vide.

« C’est un tout nouvel apprentissage pour moi. C’est une oeuvre contemporaine que je trouve profondément émouvante. On doit le texte à trois écrivains extraordinaires (Kaie Kellough, Daniel Canty et Michaël Trahan), mais la musique intelligente et complexe de Keiko Devaux me touche aussi énormément. C’est vrai depuis longtemps, d’ailleurs, et on caresse depuis plusieurs années le rêve de travailler ensemble. Ça se réalise enfin. »

Cette rencontre avec l’opéra coule quand même de source : la musique est toujours centrale dans les oeuvres que fait naître Marie Brassard.

« La musique est fondamentale pour moi, confirme-t-elle. Dans tous mes spectacles, je travaille avec des créations musicales originales de compositeurs tournés vers la recherche. »

Avec L’écoute du perdu, elle se donne le mandat tout bête mais délicat de mettre la partition musicale en valeur. « C’est un art tellement puissant, la musique. C’est peut-être celui qui nous touche le plus en tant qu’humain. Il faut dire que, dans le ventre de notre mère, l’ouïe est un des tout premiers sens qui se développe. »

L’oeuvre explore d’ailleurs cette notion du lien affectif avec le sonore, la façon dont la musique habite notre mémoire.

« C’est un opéra de chambre très poétique avec seulement deux chanteuses et un chanteur. On le présente à la Fonderie Darling, à Montréal, un bâtiment magique qui offre une réverbération exceptionnelle. C’est l’écrin idéal pour rendre toute l’émouvante beauté de l’oeuvre. »

Présentée en première mondiale le 3 février, l’oeuvre sera reprise deux fois dans la journée du 4 février.

DU CINÉMA

Marie Brassard apparaît aussi présentement au générique de l’oeuvre d’un jeune cinéaste qui en est à son premier long métrage : MarcAntoine Lemire. Dans Mistral

spatial, la comédienne interprète le rôle rigolo d’une directrice de camp thérapeutique où les participants prennent, le temps de leur séjour, l’identité d’un animal. Ellemême s’y présente comme une pieuvre dans un effort prouvant qu’elle ne se prend nullement au sérieux.

« J’aime encourager les jeunes », plaide-t-elle simplement pour justifier ce rôle très secondaire dans un film plutôt marginal. « C’est très loin de ce que je fais comme créatrice et c’est peut-être ce qui m’a attirée. La démarche est originale et j’ai trouvé ça très cool.»

« Il faut de l’humour dans la vie et le film en propose une forme un peu étrange qui me plaît bien. Je ne sais pas si c’est de l’autodérision, mais j’ai eu beaucoup de plaisir à le faire. Je n’accepte pas toutes les offres qu’on me fait parce que je donne priorité à mes propres projets, mais si j’ai de la disponibilité et que la proposition m’intrigue, bien sûr que je suis ouverte. »

Parlant de projets, qu’y a-t-il présentement sur sa table à dessin?

« Deux spectacles chez

Infrarouge [sa compagnie de production] qui vont poursuivre des tournées : Violence et La fureur de

ce que je pense, [ce dernier] monté à partir de textes de Nelly Arcand. J’ai aussi un projet conjoint du Centre national des arts et du Rideau Vert à Montréal avec des étudiants finissants d’écoles de théâtre pour le mois d’août prochain. »

« À travers tout ça, rêve-t-elle tout haut, j’aimerais bien trouver du temps, un mois ou deux peut-être, pour prendre du recul. La pandémie a permis ça à beaucoup de créateurs, alors que de mon côté, j’ai beaucoup travaillé à distance. C’est important, dans ma démarche, de laisser le soin à des intuitions et des idées de prendre forme, de faire leur chemin vers l’expression. »

THÉÂTRE

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2023-02-04T08:00:00.0000000Z

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