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Un mot pas branché du tout

STEVE BERGERON SÉANCE D’ORTHOGRAPHE steve.bergeron@latribune.qc.ca Questions ou commentaires? Steve.bergeron@latribune.qc.ca

J’habite au LacSaint-Jean et ici, au lieu de brancher leurs appareils électriques ou leur voiture quand il fait froid en hiver, les gens disent « collecter ». C’est probablement une déformation de l’anglais « to connect », tranformée en « collecter » pour éviter l’anglicisme. Ce qui, vous en conviendrez, n‘a aucun sens.

Julia Lovatt Métabetchouan

Étant originaire d’Alma et y ayant toujours toute ma famille, je suis non seulement « au courant » de cette particularité langagière, mais je l’ai utilisée moi-même jusque dans la vingtaine. Il m’a même fallu un certain temps avant de cesser de dire collecter, décollecter et recollecter au lieu de brancher, débrancher et rebrancher. Mes proches ont tout de suite compris que ce n’était pas pour les snober, mais pour ne pas être constamment en train de surveiller mon vocabulaire lorsque j’exerce mon métier.

Je n’ai pas vraiment d’autre explication que celle que vous donnez : une déformation de l’anglicisme connecter au sens de « brancher (un appareil électrique) ». J’ai fouillé pour voir si le verbe collecter aurait un ancien sens français pouvant s’appliquer à la situation. Idem pour le verbe anglais « to collect », lequel comporte certaines définitions qui pourraient avoir un lien, puisqu’il y a quand même une idée de réunion lorsqu’on collecte quelque chose.

Effectivement, une des définitions est « to bring together into one body or place [rassembler en une seule entité ou en un seul lieu] ». Sauf que, de nos jours, to collect s’applique généralement à des choses éparpillées. L’usage de l’électricité n’étant pas si ancien que ça, j’imagine qu’il resterait des traces assez faciles à trouver si on avait déjà dit en anglais « collecting the lamp ».

Connecter au sens de brancher est considéré comme un anglicisme parce qu’en français, on connecte deux appareils ensemble, par exemple un ordinateur et une imprimante, pas un appareil à une simple prise électrique.

J’aimerais vous soumettre une tournure qui m’agace au plus haut point, sans savoir si j’ai raison ou non. J’entends souvent, surtout de la part des plus jeunes, « je vais t’en prendre un ou une », en parlant d’un billet de loterie par exemple, d’une consommation, etc. Selon moi, il faudrait dire « je vais en prendre un ou deux »...

Rémy Maltais Chicoutimi

On est ici dans le domaine de la faute, je dirais, vénielle. Même si cette tournure n’est pas recensée telle quelle par les dictionnaires, elle n’est pas grammaticalement mauvaise.

Lorsqu’on lit la très longue définition du verbe prendre dans un Petit Robert (vous m’avez fait travailler un peu), on finit par tomber sur la formule « prendre quelque chose à quelqu’un ». Ce qui, de prime abord, nous confirme que cette locution n’est pas erronée. Quand on dit « je vais t’en prendre un », on dit en réalité « je vais prendre un de ces billets de loterie (ou autre chose) à toi ». On remplace « à toi » par le pronom t’ et « billet de loterie » par le pronom numéral un.

Le mini-hic, c’est que le dictionnaire nous révèle que cette tournure a un sens péjoratif. Elle signifie « dérober, s’emparer de, enlever, ravir, voler ». Le Petit Larousse donne comme exemple : « Il lui a pris sa place. » Le Petit Robert renchérit ainsi : « Il lui a pris sa femme. » Il cite également ce vers de la fable L’avare qui a perdu son trésor, de Jean de La Fontaine : « C’est mon trésor que l’on m’a pris. »

Mais ce n’est pas parce qu’aucun dictionnaire ne recense le cas que vous soumettez qu’il est forcément fautif. Primo, prendre peut avoir le sens de « devenir acquéreur de quelque chose », comme dans « n’oublie pas de prendre du lait à l’épicerie ». Secundo, on peut prendre quelque chose offert par quelqu’un en dehors d’un contexte de vente. Quelqu’un vous propose des abricots séchés, vous lui répondez que vous lui en prendrez deux : personne ne peut nier que vous les prenez à l’autre, que ces abricots lui appartiennent, et ce, sans aucun vol à l’horizon.

Il ne me semble pas y avoir d’anglicisme sous roche non plus, puisque les tournures anglaises équivalentes ont un sens semblable à celui que donnent les dictionnaires français.

Verdict : vous avez raison, on peut simplement dire « je vais en prendre un », sans ajouter de pronom et sans qu’il y ait perte de sens. Mais la forme « je vais t’en prendre un » est tellement répandue ici qu’elle pourrait éventuellement être recensée comme suit : « Prendre quelque chose à quelqu’un : (Canada) acheter quelque chose à un marchand, prendre quelque chose qui vous est offert. »

PERLES DE LA SEMAINE

Ces journalistes ont probablement entendu des criquets quand ils ont demandé : « Quelqu’un pourrait-il relire mon texte? »

Les résidences de l’Université de Sherbrooke sont pleines à rebord.

Les entreprises de Coaticook [...] ont plus de 2000 postes à pourvoir et une quarantaine de Montréalais souhaitant s’établir dans l’est du Québec ont fait le voyage.

Les conservateurs et les libéraux sont réunis en prévision de la session parlementaire et chaque parti fournit ses armes pour la joute parlementaire [fourbit].

« J’aime beaucoup parler avec les élèves. Beaucoup de personnes ont été très généreuses avec moi lorsque j’étais jeune [...] », a mentionné celui qui souhaite ainsi rendre l’appareil.

André Robitaille a montré une séquence extraite du jeu-questionnaire animé par Pierre Hébert « Question de jument [jugement] ».

LE MAG

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2023-02-04T08:00:00.0000000Z

2023-02-04T08:00:00.0000000Z

https://latribune.pressreader.com/article/282991109053494

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