Une bataille éclipsée par le Débarquement

SHERBROOKE — Les Canadiens ont joué un rôle important dans la campagne d’Italie de la Seconde Guerre mondiale et la percée de la ligne gothique. Ce haut fait d’armes est moins connu, éclipsé par le Débarquement de Normandie du 6 juin 1944.

La percée de la ligne gothique a eu lieu à compter d’août 1944, pendant la campagne d’Italie qui s’est pour sa part déroulée de juillet 1943 à mai 1945.

La ligne gothique était un ensemble de fortifications organisées par les Allemands visant à stopper la progression des Alliés. Le 1er corps canadien a été mandaté, aux côtés des Polonais et des Britanniques, pour « faire sauter ce verrou », illustre Emanuele Sica, professeur adjoint au Collège militaire royal du Canada (CMR) de Kingston.

Les Canadiens avaient déjà fait leurs preuves dans la campagne d’Italie, explique M. Sica. À la suite de la bataille de Rimini, une phase offensive, la ville a presque été entièrement détruite.

« Les Canadiens ont participé à toute la campagne d’Italie d’une manière active et ils ont joué un rôle très important », indique-t-il en soulignant que la ligne gothique a été le moment culminant de la campagne d’Italie.

Le gouvernement du Canada décrit d’ailleurs cette percée comme le « plus grand exploit militaire canadien pendant la campagne d’Italie ».

Les Canadiens qui ont pris part à la bataille de Rimini ont dû combattre dans un relief accidenté; le pays est divisé en deux par les monts Apennins, du nord au sud, rappelle Emanuele Sica. « Les Allemands l’avaient très bien compris. »

Les soldats canadiens ont surtout combattu à l’est, du côté de la mer Adriatique.

« Pour les troupes canadiennes, c’est une des grandes victoires sur le sol italien. Ils y ont mené la dernière grande défense... C’était un territoire difficile à prendre en raison de la géographie, des montagnes. Puisque c’est arrivé en même temps que le Débarquement et que l’Italie n’était pas considérée comme le front principal, c’est le Débarquement surtout qui est resté dans la mémoire collective. Après cette victoire-là, beaucoup de soldats canadiens ont été transférés sur le front ouest », analyse André Poulin, chargé de cours en histoire à l’Université de Sherbrooke.

Les soldats canadiens ont libéré les Pays-Bas en mai 1945.

La percée de la ligne gothique s’avère un haut fait d’armes des Canadiens.

« Ça c’est clair, note André Poulin. C’est toujours excessivement difficile de prendre des lieux où l’ennemi s’est terré avec des systèmes de défense efficace, en hauteur. Les Canadiens ont réussi un tour de force pour briser cette ligne-là. Après, l’avancée a été stoppée par le climat, il y a eu des grosses pluies. Ça a comme freiné l’avancée en Italie, ça a été la dernière grande bataille. »

Le Débarquement de Normandie est resté davantage dans l’imaginaire collectif entre autres en raison de toute la place que lui a accordée le cinéma américain, observe M. Sica, en rappelant que cet épisode a eu un effet plus important que la campagne d’Italie sur l’issue de la Deuxième Guerre.

La bataille de la ligne gothique a fait plus de 4511 victimes chez les soldats canadiens, dont 1016 morts.

Environ 10 000 soldats canadiens ont participé à cette bataille.

« Les Allemands surveillaient les déplacements parce qu’ils savaient que c’était toujours les Canadiens qui servaient pour la première ligne. Ils avaient enlevé leur insigne distinctif sur leur uniforme et les camions pour ne pas que les Allemands puissent voir qu’ils se déplaçaient et les identifier », raconte M. Poulin.

« Quand on parle de la Deuxième Guerre mondiale, quand on parle des Alliés, on parle souvent des Russes, des Britanniques et des Américains, les trois armées principales et c’est normal, mais le Canada était un pays de moyenne puissance, c’est-à-dire qui n’avait pas une énorme population. Si on regarde la proportion de l’effort qu’ils ont fait pendant la guerre, c’est vraiment impressionnant », souligne M. Sica, qui est Italien et qui a immigré au Canada.