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UN FLÉAU QUI «BRISE DES VIES ET DES RÊVES»

JEAN-FRANÇOIS GUILLET La Voix de l’Est

GRANBY — À 24 ans, Marie-Ève Richard filait le parfait bonheur. Elle était loin de se douter qu’un cancer de la peau, découlant d’une exposition aux rayons UV, allait menacer sa jeune existence. Elle s’est accrochée à la vie, traversant avec courage cette dure épreuve. L’onde de choc a frappé 16 ans plus tard, lorsqu’elle a appris que la sournoise maladie s’enracinait à nouveau, forçant un second round. Un combat éprouvant qu’elle veut éviter à d’autres en levant le voile sur son histoire.

Marie-Ève Richard mène cette croisade pour enrayer la progression de cette maladie qui fauche annuellement des milliers de vies. Elle s’est engagée de concert avec la Coalition priorité cancer qui sonne l’alarme, demandant au gouvernement puis aux municipalités, notamment en Estrie, d’être plus proactives pour prévenir ce fléau.

Elle s’est fixé cette mission, ditelle, car ses recherches lui ont fait réaliser qu’un très haut pourcentage de cancers de la peau peut être évité.

« C’est un type de cancer qui provient à 90 % des rayons UV, précise Marie-Ève Richard. Pourquoi y a-t-il encore des bébés sur la plage sans chapeau ni protection solaire ? Pourquoi y a-t-il aussi peu de sensibilisation ? On le fait pour le tabac, ajoute-t-elle, avec des images jusque sur les paquets de cigarettes. Pourquoi il n’y a presque rien pour le cancer de la peau, alors que le soleil est partout ? »

IMPACTS

Marie-Ève n’était pas du genre à passer des heures à la plage. Elle a néanmoins fréquenté les salons de bronzage à plusieurs occasions. Ce qui, selon elle, a largement contribué à l’apparition de son premier mélanome. « Pour moi, qui réagis mal au soleil, c’était mon alternative. J’y allais pour des 5 à 10 minutes. J’avais l’impression de ne pas devenir rouge comme un homard quand j’arrivais à la plage. Je me faisais un fond comme on dit. Mais en fait, c’est comme une accumulation de coups de soleil. »

Elle a également eu une « grosse insolation » lors d’un voyage dans le Sud. « J’ai été prise dans ma chambre durant deux jours », se remémore-t-elle, ajoutant qu’elle ne se protégeait pas correctement. « Je n’étais pas conscientisée. »

À 24 ans, Marie-Ève se croyait quasi invincible. Sa rencontre avec l’oncologue l’a toutefois terrassée. « Ça a été un énorme choc d’apprendre une nouvelle comme ça, si jeune, confie-t-elle. Surtout que c’est un type de cancer dont on n’entend presque jamais parler. »

Il s’agissait d’un mélanome de stade 1. Le cancer est réapparu, plus agressif, à l’aube de la quarantaine. « Le cancer s’est logé dans un de mes ganglions lymphatiques, spécifie-t-elle. C’était de stade 3, alors ça a eu de plus grandes conséquences. »

Après avoir encaissé la nouvelle, Marie-Ève a dû replonger, bien malgré elle, dans une série de traitements oncologiques pendant un an. Médication et immunothérapie, entre autres. « On a souvent tendance à penser que le cancer de la peau, c’est banal. Mais on ne voit pas l’envers de la médaille. Ça a d’énormes répercussions sur tout », dit celle qui vient tout juste de reprendre un « semblant de vie normale ».

« Le cancer de la peau, ça brise des vies et des rêves. Des familles. À 39 ans, ça chamboule ton existence. Tout le monde autour de toi en subit les impacts. La carrière aussi en prend un coup », dit la maman de deux jeunes filles.

Une fois que tu as eu un cancer, peu importe le nombre d’années, « tu as toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête », renchérit-elle.

EN ACTION

L’apparition de son second cancer de la peau fut un véritable « wakeup call » pour Marie-Ève. L’immobilisme n’était pas une option. Elle devait agir.

Alors qu’elle faisait face à la maladie, elle s’est lancée dans un projet de documentaire. Au gré des tournages de doc.uv, dont elle souhaite une sortie imminente, Marie-Ève a notamment rencontré des travailleurs exposés au soleil, des spécialistes de la santé. « Mon but, c’est d’éveiller les consciences. »

Avec ses enfants et ses proches, la jeune femme dit être devenue « la police du soleil ». Personne n’est à l’abri de développer un cancer de la peau, souligne-t-elle à grands traits.

De plus, Marie-Ève croit tellement en cette cause qu’elle a décidé de lancer Krabéo, son entreprise de vêtements et maillots de protection solaire pour femmes et enfants, faits entièrement au Québec.

STÉRÉOTYPES

La sensibilisation à l’importance de la protection solaire et aux autres sources de rayons ultraviolets est l’affaire de tous, affirme Marie-Ève. En tête de liste, l’Institut national de santé publique du Québec devrait mener de vastes campagnes auprès de la population, mentionne-t-elle. « Il y a aussi les gens en première ligne. Les médecins de famille, les pharmaciens. On doit aussi en parler dans les écoles, les services de garde. »

Les parents ont aussi un grand rôle à jouer. « Ça commence dans les familles, dit-elle. Par de petits changements dans le quotidien. Il faut expliquer aux enfants comment se crémer, se protéger. Aménager des zones d’ombre le plus possible. C’est crucial. »

Selon Marie-Ève, les jeunes doivent être principalement conscientisés. On doit déboulonner les stéréotypes. « Ils sont la cible pour la mode. Commençons à mettre dans les magazines de bons modèles. Ce n’est pas parce que tu es bronzé que tu es en santé. C’est tellement l’inverse. Aller au soleil, sans protection, c’est dangereux. Et le bronzage à tout prix, ça n’a plus sa place. C’est dévastateur. »

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2023-06-03T07:00:00.0000000Z

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