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RETOUR À L’ANCIEN NOUS

STEVE BERGERON steve.bergeron@latribune.qc.ca Eyes Dark

SHERBROOKE — On le sait, Half Moon Run a émergé de la pandémie avec un musicien en moins. Le départ d’Isaac Symonds en 2020 s’est fait dans la plus totale harmonie avec ses coéquipiers. Mais il n’en a pas moins placé le trio devant la nécessité de se redéfinir, de revenir à la source, notamment celle de son premier album

(2012).

Or, comme retour à la source, c’en fut tout un! Devon Portielje, Conner Molander et Dylan Phillips sont allés fouiller dans la tonne de démos qu’ils ont accumulés en plus d’une décennie. Ils ont déterré des motifs musicaux enregistrés depuis belle lurette mais jamais utilisés. Ils ont mis le point final à des chansons entamées il y a des années, mais qu’ils n’avaient jamais réussi à terminer.

Le résultat, paru le 2 juin, s’intitule Salt, et il porte ce nom parce que ces trois artistes chouchous de la scène québécoise ont vraiment le sentiment d’avoir renoué avec l’essence, le suc, la substance, le sel de leur musique.

« Ça a été une sorte d’exploration de la force qu’on avait en tant que trio, explique Dylan Phillips. On voulait retrouver qui on est et trouver ce qu’on fait maintenant pour la suite. Le mot salt est là pour exprimer ce qui nous représente le mieux comme personnes, comme musiciens, comme groupe. Parfois, c’est le passé qui nous décrit le mieux, mais parfois, ce sont les nouvelles choses qu’on essaie de faire. »

« Certaines des anciennes chansons n’étaient pas de grandes idées, poursuit-il, mais nous en avons récupéré de très bonnes. C’est juste qu’à l’époque, on n’était pas encore capables de les enregistrer.

Il fallait simplement les travailler de la bonne manière. »

La motivation, derrière cette plongée dans les débuts, est aussi venue de Connor Seidel, nouveau réalisateur de Half Moon Run.

« Il voulait vraiment explorer tout notre catalogue, essayer de finir tout ce qu’on avait commencé, sans jugement. Je pense qu’on avait 380 démos! Connor souhaitait examiner tout notre historique et tenter d’en faire quelque chose d’enregistrable. »

NOTRE AMI TASCAM

L’exercice a été fructueux : avec l’expérience et la maturité acquises depuis leur fondation en 2009, les Half Moon Run se sont vite aperçus qu’ils pouvaient désormais rendre certaines chansons à terme. Ce fut le cas pour 9beat, Alco, Hotel in Memphis, Dodge the Rubble et Salt.

« Ça a été une sorte d’exploration de la force qu’on avait en tant que trio. On voulait retrouver qui on est et trouver ce qu’on fait maintenant pour la suite. »

— Dylan Phillips

« On a beaucoup aimé le processus. C’est un peu un cadeau des anciens nous… au présent », résume Dylan.

Cela n’aurait évidemment pas été possible si les membres de Half Moon Run ne conservaient pas tout ce qu’ils font quand ils créent ensemble. Depuis 2012, leur

meilleur ami est un petit enregistreur Tascam à deux pistes. Ils l’ont initialement acheté pour immortaliser leurs concerts lors de leur première tournée européenne. Capter et réécouter leurs séances de composition et d’improvisation est devenu une de leurs principales méthodes de travail.

« Ça fait partie de notre routine. À la fin d’une journée, on a souvent une cinquantaine d’enregistrements. Je reviens à la maison, je mets tout ça sur mon ordinateur, puis dans Dropbox, et tout le monde a accès à ce qu’on a fait plus tôt. »

Pour 9Beat, Devon s’est retapé les quelque 150 versions qui n’avaient jamais abouti, rapporte Dylan. « Il a pris des notes sur ce qui marchait bien dans chacune. Ça nous a donné plein d’idées sur la façon de réenvisager cette chanson. »

Quant au motif d’ouverture d’Alco, le chanteur l’avait imaginé sur un ukulélé lors d’un voyage en Thaïlande en 2012.

Alco est une pièce sur l’engagement, poursuit Dylan. « Alco veut un peu dire alternative commitment, ou, dans ce cas-ci, l’absence d’engagement, que ce soit en amitié ou avec un partenaire amoureux. Du moins, c’est mon interprétation de cette chanson de Devon. »

GO EAST!

Mais certaines des onze plages de

Salt sont de composition récente, nées pendant la pandémie. C’est le cas d’Everyone’s Moving Out East, alors que les trois musiciens ont vu plusieurs amis quitter Montréal pour l’est du Québec, même pour les Maritimes.

« J’ai l’impression que cette période a été propice pour susciter une réflexion profonde chez beaucoup de personnes, qui ont saisi l’occasion de déménager. C’est aussi un texte sur ce qu’on rate de sa vie quand on est un peu isolé. »

Half Moon Run a pu tester les pièces de Salt, fignolées en automne 2022, lors d’une prestation surprise offerte au Théâtre Corona de Montréal la semaine dernière.

« On était tellement stressés! D’habitude, quand on donne un spectacle secret, on insère trois ou quatre nouvelles chansons dans la feuille de route et on invite juste nos amis et les abonnés de notre infolettre. Mais cette fois-ci, on tenait à présenter quelque chose de nouveau. On en a donc interprété neuf… et elles sont vraiment difficiles à jouer! » commente Dylan en riant.

Bref, malgré toute son expérience, le trio était terrorisé. « On ne savait pas de quelle manière ça allait tourner. Finalement, on a très bien joué. Le public était tellement dedans! Les gens connaissaient déjà par coeur les paroles des trois premiers extraits du disque. Le feeling a été très bon. »

Leurs admirateurs les plus chanceux sont ceux et celles qui réussiront à les attraper en début de tournée à Cowansville et TroisRivières, car ils feront halte au festival Soif de musique le 6 juillet et au Festi-Voix le 7.

Les autres devront s’armer de patience : ce n’est qu’à la fin de l’année que le trio reviendra ici, après une importante série de concerts en Europe et en Amérique du Nord. Rendez-vous les 25 et 26 novembre à l’Algonquin Commons Theatre d’Ottawa, le 15 décembre à la salle Maurice-O’Bready de Sherbrooke, le 17 décembre au Théâtre du Palais municipal de Saguenay et le 18 décembre au Grand Théâtre de Québec.

ARTS.

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2023-06-03T07:00:00.0000000Z

2023-06-03T07:00:00.0000000Z

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