LaTribuneSurMonOrdi

LE COMBAT D’UNE VIE... À L’AUTRE

LÉA HARVEY

QUÉBEC — Raconter, en 124 minutes, les préjudices causés par les pensionnats canadiens sur les Premières Nations était un défi immense, mais Marie Clements l’a relevé haut la main. En nous plongeant dans la vie de la matriarche crie Aline Spears, la réalisatrice réussit à incarner plusieurs luttes autochtones, faisant de L’ombre des corbeaux un long métrage percutant.

Les pièges étaient nombreux. L’ombre des corbeaux aurait pu devenir un film militant qui fait la morale ou qui donne l’impression d’un cours d’histoire… Mais on est loin de tout ça.

Car Marie Clements présente une histoire bien racontée, parsemée de quelques rebondissements et ancrée solidement dans le passé — aussi laid soit-il.

On y suit le destin d’Aline Spears (Grace Dove), survivante des pensionnats autochtones, de son enfance au Manitoba, dans les années 1930, à sa vieillesse fortement engagée, en passant par son engagement dans l’armée canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale et par sa vie d’adulte parfois troublée.

Ainsi découpée, l’existence d’Aline Spears se dessine doucement.

Quoique nombreux, les retours en arrière sont bien calculés et tiennent en haleine à travers chacune des époques.

Mais le plus marquant demeure le passage d’Aline dans un pensionnat, de son enfance à la fin de son adolescence (des scènes tournées directement dans l’ancien pensionnat de Kamloops). Un lieu sévère qui participe au caractère sombre et cruel de la vie d’Aline. Car la petite, comme sa soeur Persévérance (Alyssa Wapanatâhk) et d’autres élèves, subiront des sévices physiques et psychologiques, dont des agressions sexuelles. Des gestes commis par les membres du clergé, tels que le père Jacobs (Rémy Girard) et soeur Ruth (Karine Vanasse).

LUTTER DE GÉNÉRATION EN GÉNÉRATION

L’ombre des corbeaux est un projet colossal. Sur cent ans d’histoire, il aurait été facile de s’égarer, mais Marie Clements a su garder le cap. La réalisatrice présente ainsi tout un pan de l’histoire canadienne, d’un point de vue ancré dans l’Ouest canadien. Un regard qui nous est peu présenté au Québec.

La malnutrition des enfants dans les pensionnats, le racisme dont ils sont victimes, les disparitions de femmes autochtones qui s’accumulent, les demandes d’excuses faites auprès de l’Église catholique, etc. : la lignée d’Aline Spears, ses ancêtres comme sa descendance, n’a d’autres choix que de lutter. De génération en génération.

On peut toutefois reprendre son souffle entre ces scènes difficiles grâce à la rencontre entre Aline et son amoureux Adam (Phillip Lewiski) et à la naissance de leurs enfants, grâce aux soupers de famille chaleureux, aux plans des vastes plaines de l’Ouest ou encore aux cérémonies chargées de danse, de chants et de sourires…

Dans L’ombre des corbeaux, la laideur côtoie de façon rapprochée la beauté. Parfois au sein d’un même individu. Et ce, avec une finesse remarquable. C’est cette dualité du film ainsi que la prestation des acteurs — dont Michelle

Trush et Glen Gould, qui incarnent les parents d’Aline — qui frappe droit au coeur. De quoi donner des frissons.

Au générique

Cote : 8/10 Titre : L’ombre des corbeaux

Genre : Drame

Réalisation : Marie Clements Distribution : Grace Dove, Phillip Lewitski, Rémy Girard et Karine Vanasse

Durée : 2 h4

CINÉMA

fr-ca

2023-06-03T07:00:00.0000000Z

2023-06-03T07:00:00.0000000Z

https://latribune.pressreader.com/article/283794268175829

Groupe Capitales Media